Le conseil de surveillance d’Adidas AG a approuvé le plan révolutionnaire du PDG Björn Gulden pour restructurer l’entreprise. La nouvelle initiative « Own the Reality » est le « plan de responsabilité sociale et environnementale le plus ambitieux jamais mis en œuvre par une grande marque », a déclaré Adidas dans un communiqué lundi matin.

« Avec le conseil d’administration, nous sommes en train de repenser fondamentalement la structure de notre entreprise du haut vers le bas, de sorte que la direction vienne désormais aussi du bas vers le haut », commente Gulden.

Gulden n’est PDG du groupe que depuis le 1er janvier 2023 et a rejoint Adidas AG en provenance de son rival Puma : de 1992 à 1999, il était déjà responsable du secteur vêtements et accessoires.

Un ancien ouvrier du vêtement devient co-PDG

Vay Ya Nak Phoan, co-PDG d’Adidas. Image : Adidas SA

Comme première étape du réalignement, Gulden partagera son poste avec l’ancien travailleur cambodgien de l’habillement et dirigeant syndical Vay Ya Nak Phoan, qui sera co-PDG à partir du 16 janvier. Elle travaillera aux côtés de Gulden pour superviser la conformité dans la chaîne d’approvisionnement et s’assurer que « les consommateurs peuvent être assurés que les produits Adidas sont la marque la plus éthique qu’ils puissent acheter », selon Adidas.

Phoan a commencé sa carrière comme ouvrière du vêtement au Cambodge et, consternée par les conditions de travail dangereuses et le vol des salaires, est devenue négociatrice syndicale et journaliste. Elle est connue pour ses enquêtes d’infiltration audacieuses qui ont permis de découvrir plus d’une douzaine de scandales liés à des failles de la chaîne d’approvisionnement, telles que l’utilisation de la main-d’œuvre ouïghoure en Chine et le vol de salaires à grande échelle dans les usines de confection pendant la pandémie.

Dans un premier acte ensemble, Gulden et Phoan inaugureront le plan Own the Reality ce lundi 16 janvier, avec la signature de l’accord Pay Your Workers, qu’Adidas réclamait depuis un certain temps. Il s’agit d’un engagement contraignant envers des pratiques de travail, des salaires et une rémunération équitables dans la chaîne d’approvisionnement et a été élaboré en coopération avec les syndicats et les organisations de défense des droits des travailleurs. Il vise à garantir que tous les travailleurs reçoivent l’intégralité des salaires et des indemnités de départ qui leur sont dus depuis le début de la pandémie.

Adidas crée un fonds pour garantir le paiement des indemnités de départ

Un fonds de garantie de départ sera également mis en place pour couvrir tous les travailleurs du textile, de l’habillement, de la chaussure et du cuir de la chaîne d’approvisionnement mondiale d’Adidas. Cette étape est attendue depuis longtemps, car dans le passé, Adidas s’était fait un nom à travers des querelles et des évasions lorsqu’il s’agissait de payer des indemnités de départ à PT Kizone en Indonésie et avait même perdu des contrats de parrainage en conséquence, y compris avec l’Université Cornell.

En conséquence, l’entreprise décrit un paiement immédiat de 11,2 millions d’euros aux travailleurs cambodgiens dont les salaires ont été retenus par les fournisseurs pendant la pandémie comme une « correction de cap ».

« Adidas prendra des mesures immédiates et décisives pour s’assurer que tous les travailleurs, membres et dirigeants syndicaux qui ont été licenciés à la fois à Trax Apparel au Cambodge et à l’usine de Pou Chen au Myanmar soient réintégrés avec un arriéré de salaire complet et que leurs revendications pour de meilleures conditions de travail, des salaires plus élevés et le respect de leurs droits seront assurés sans équivoque », déclare Adidas.

L’accord protégera également les droits des travailleurs à la liberté d’association et à la négociation collective, qu’Adidas a « reconnus comme des droits fondamentaux qui rendent possibles tous les autres droits ».

Adidas signe un accord Pay Your Workers

Le PDG d’Adidas, Björn Gulden. Image : Adidas SA

« La signature de l’accord ‘Pay Your Workers’ est la première de nombreuses étapes vers un salaire décent pour tous les travailleurs de l’habillement chez Adidas. Mon leadership entrepreneurial est maintenant complété par l’expérience de Vay dans les usines et ses connaissances en tant que dirigeante syndicale », déclare Gulden.

« Nous pensons qu’il s’agit d’une étape fondamentale qui profitera à tous les membres de notre chaîne d’approvisionnement, ainsi qu’à nos actionnaires et clients qui partagent notre conviction que l’augmentation des rendements n’est pas en contradiction avec une meilleure protection des droits de l’homme », ajoute Gulden.

Comme l’ancien joueur de football et de handball Gulden, Phoan est également un passionné de sport et un athlète de haut niveau qui a joué au sepak-takraw (kick-volley) au niveau international. Elle est également maître bokator (qui se traduit par « frapper un lion »), ayant appris cet art martial khmer en tant que jeune fille auprès de son grand-père tout en se cachant des Khmers rouges.

« Je sais ce que signifie se battre pour ce qui est juste. Je suis prêt à transformer Adidas d’une entreprise avec de bons produits en une entreprise qui fait aussi du bien », explique Phoan.

Le réalignement d’Adidas, et en particulier la nomination de Vay Ya Nak Phoan, envoie un signal clair que le groupe a compris qu’il ne peut pas se passer des plus vulnérables de la chaîne d’approvisionnement : les travailleurs de l’habillement. Il ne fait aucun doute qu’à l’avenir, tous les regards seront tournés vers le groupe pour voir comment il s’en sort avec la nouvelle stratégie et, s’il réussit, il trouvera sûrement des imitateurs. Adidas semble avoir appris des erreurs précédentes et s’intéresse à une sérieuse correction de son cap.



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