"On se dit qu'en France, c'est mieux. Et bien non !"
NOUVELOBS.COM | 17.11.05 | 16:42
par Andy Bichlbaum, membre des Yes Men, a joué le rôle du journaliste lors de la fausse interview de Patrick Balkany
Est-ce que cela a été difficile d'organiser ce faux direct ? Avez-vous été surpris par la réponse de Patrick Balkany ?
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Non, ça n'a pas été très difficile. Il nous a simplement fallu un faux
studio. Nous avons fait croire à Patrick Balkany qu'il était en direct
et il n'a posé aucune question. Avant son interview nous lui avions
montré un faux sujet débile, dégueulasse, fait de montages, sur le fait
que chez nous, aux Etats-Unis, les noirs, sous la pression des Black
Panthers, avaient réussi à sortir de leurs domaines réservés comme le
sport ou la musique, pour arriver à faire de la politique et à entrer
au Congrès. Alors qu'il existe dans le monde un pays où les étrangers
n'entraient pas en politique: la France. La question de ce reportage
était de savoir comment la France, malgré 10% d'immigrés, avait trouvé
un moyen de garder les maghrébins dans les professions qui leur
conviennent. Ensuite, je demandais à Patrick Balkany comment les
dirigeants français avaient réussi à chasser les pauvres des
centre-villes et à les envoyer en banlieue alors qu'aux Etats-Unis, ils
traînent partout. Nous avons trouvé la réponse de Patrick Balkany totalement hallucinante.
Même aux Etats-Unis, nous n'avons pas entendu ça depuis les années
Reagan. Notamment quand il dit qu'en France, "on lave les pauvres"…
Franchement, on se dit souvent qu'en France, c'est mieux. Et bien
finalement, non.
Que pensez-vous de la manière dont les médias français traitent le problème des banlieues ?
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Malheureusement je passe mon temps entre la France et les Etats-Unis et
je n'étais pas ici durant les événements. Je ne me suis tenu au courant
que par les médias américains. Je n'en ai donc qu'une image très
incomplète. Les journalistes américains ont très rarement cherché à
comprendre le pourquoi de ces incidents. Pour eux, c'est un truc de
musulmans et ils n'ont pas cherché à comprendre la frustration.
Personne n'a dit que c'était un problème de classe sociale mise en
marge de la société et qu'il fallait que ça éclate. Ce qui surprend
également beaucoup aux Etats-Unis, c'est d'entendre que, en dehors de
cette période de révolte, il y a quotidiennement une centaine de
voitures brûlées en France. Mais que ce soit en France ou aux Etats-Unis, dans les deux cas le débat public me semble extrêmement appauvri. Ces
incidents ont fait l'objet de très peu d'analyses de la part des
médias. Il est tout de même ahurissant qu'en France il n'y ait aucun
maghrébin à l'Assemblée nationale ! Le racisme est évident aux
Etats-Unis, mais au moins peu de gens ne le conteste. Quasiment
personne ne prétend que nous ne sommes pas un pays raciste. Tandis
qu'en France c'est l'inverse, il n'y a quasiment personne pour dire
dénoncer ce racisme ambiant.
Comptez vous développer vos actions en France ? Avez-vous de nouveaux projets de détournements ?
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Oui, mais si je vous précise plus nos projets, ça va être difficile
pour nous de les réaliser. J'habite en France et partout il y a de
l'hypocrisie. Plein de choses me sautent aux yeux, même si la France
n'est pas pire que d'autres pays et que ce sont les Etats-Unis qui dans
le monde font le plus de dégâts. Mais pour l'instant nous travaillons à
plein temps sur un film, puis nous verrons au printemps prochain ce que
nous ferons.
Propose recueillis par Jérôme Hourdeaux(le jeudi 17 novembre 2005)
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