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Semaine du mercredi 24 mars 2004 - n°2107 - Notre époque

Ce sont les petits frères de Michael Moore

Les altercomiques

Avec beaucoup de culot et un costume gris, les Yes Men, rois du canular politique, ridiculisent les tenants de l’ultralibéralisme en se jouant des médias comme des multinationales

Le 3 décembre dernier à 9 heures du matin, un certain Jude Finisterra, représentant de Dow Chemical, est en direct à la BBC. Il a une nouvelle incroyable: «Je suis très, très heureux d’annoncer que, pour la première fois, Dow Chemical accepte l’entière responsabilité de la catastrophe de Bhopal.» Et pour la peine promet 12 milliards de dollars d’indemnisation aux victimes. L’information fait le tour des rédactions. La multinationale est contrainte à un humiliant démenti: Jude Finisterra n’existe pas, pas plus que l’indemnisation. La BBC a été victime des Yes Men. Une de plus. Depuis cinq ans, ces petits frères de Michael Moore multiplient les facéties envers les représentants de l’ultralibéralisme. Ils les racontent dans un livre et un film qui sortent ces jours-ci (1).
Tout commence dans les années 1990. Mike Bonanno, étudiant, intervertit les boîtes vocales des poupées Barbie et GI Joe avant de les replacer en magasin. Les virils guerriers se mettent à clamer «j’adore le shopping», les blondes à éructer qu’«un bon Indien est un Indien mort». Andy Bichlbaum, lui, est programmateur de personnages de jeux vidéo. Il s’amuse à infiltrer dans un jeu de guerre une cohorte d’homosexuels en maillots de bain. 80000 copies sont écoulées avant que le producteur ne licencie l’insolent. Les deux activistes en chambre se rencontrent en 1999. Internet est en plein boom. Tels des faussaires, ils deviennent maîtres dans la copie de sites. La «correction d’identité», leur grand concept, est née: «Quand les gens ne se présentent pas honnêtement, nous corrigeons leurs hypocrisies en exprimant clairement le fond de ce qu’ils sont», expliquent-ils.
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Les Yes Men ne montrent pas leurs fesses, ils se glissent dans la peau des puissants pour pousser jusqu’à l’absurdité leur logique. C’est ce qu’il s’est passé pendant trois ans avec l’OMC. Après avoir récupéré l’adresse gatt.org, les usurpateurs parodient le site de l’Organisation mondiale du Commerce et, magie du réseau, commencent à recevoir des mails du monde entier. Pour des conseils sur les tarifs, un éclaircissement technique ou une participation à une émission de télé ou une conférence. Les Yes Men, «les béni-oui-oui» en v.o., ne disent jamais non. Ils répondent aux renseignements et… aux invitations! C’est Andy qui incarnera l’OMC. Il troque ses jeans pour des costards d’occasion, cire ses chaussures, se coupe les cheveux, prépare des graphiques pour la rétroprojection, apprend à parler sur le ton à la fois monotone et ferme des «sérieux» et va à la rencontre de son public. La première a lieu à Salzbourg, en Autriche, devant des juristes. L’intervention est hilarante: il accuse par exemple la sieste italienne d’être un obstacle culturel à la globalisation. Des questions dans la salle? «Il se passa quelque chose de très bizarre: rien.» Ils s’attendaient à être conspués, ou arrêtés, ils sont juste poliment applaudis par des costumes et des tailleurs apathiques.
A la veille du violent sommet du G8 de Gênes, un certain Granwyth Hulatberi, porte-parole de l’OMC, débat sur CNBC TV. Il explique que les altermondialistes sont de la racaille mal éduquée et qu’il faut privatiser toute l’éducation pour que la vérité libérale entre dans les caboches récalcitrantes. Ses contradicteurs sont atterrés par tant de franchise, mais personne n’éclate de rire. Le présentateur envoie la pub, «avant un point sur les marchés financiers». Conformisme, indifférence, bêtise, peu importe: en portant l’absurdité au cœur du public de leur bête noire, la mondialisation libérale, les Yes Men ne trouvent pas d’opposition, juste une crédulité qui leur est offerte a priori, sur la foi d’un costume et d’un CV bidon. Ils découvrent que les institutions ont des faiblesses qui ne les empêchent pas de tourner: routine, conformisme, incompétence. Les provocateurs ne provoquent rien, ça les surprend, ça les déçoit.
Un mois après, nouvelle invitation, devant un parterre d’universitaires et d’industriels du textile à Tampere, en Finlande. Les Yes Men cherchent «quelque chose de si outrageusement inacceptable que personne ne pourrait l’avaler sans broncher». L’exposé, comme toujours, a les avatars du sérieux. Hank Hardy Unruh déplore que la guerre de Sécession américaine ait «privé l’esclavage de sa libre évolution en travail délocalisé» et traite Gandhi de «protectionniste» rétif au «système de management britannique». Pour remédier à ces erreurs, l’OMC présente – Unruh arrache son costume – la «combinaison relax management»! Dorée, elle est affublée d’un pénis gonflable doté d’un écran, qui permettra aux dirigeants de surveiller leurs salariés du monde entier tout en gardant les mains libres. C’est énorme. La salle se réveille et applaudit. Pas le canular, mais la prouesse! Une femme regrette juste que la combinaison soit un brin sexiste!
C’est l’éternelle histoire de David contre Goliath. Du petit qui arrive par la ruse à déstabiliser le géant. Avec trois bouts de ficelle et un culot sans frontières. Après avoir inventé le hamburger recyclable (les excréments occidentaux, filtrés, pourraient alimenter le tiers-monde) et annoncé le démantèlement d’une OMC reconnaissant toutes ses erreurs, les Yes Men sont prêts, nous dit-on, à d’autres canulars politiques. Hé, monsieur l’important, sauras-tu les déceler avant d’avoir l’air ridicule?

(1) «The Yes Men», le film, à partir du 1er avril dans une quinzaine de villes. Le livre: «Les Yes Men. Comment démasquer – en s’amusant un peu – l’imposture néolibérale!», La Découverte, le 7 avril, 19,90 euros.


Isabelle Monnin 



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