a BBC et Dow Chemical sont les deux dernières victimes des Yes Men, deux activistes américains spécialistes de l'imposture militante marquée altermondialiste. Au palmarès d'Andy Bichlbaum et Mike Bonanno, on trouve l'Organisation mondiale du commerce (OMC), des journalistes et une brochette d'hommes d'affaires. Leur méthode ? La «correction d'identité», où ils caricaturent ou déforment le discours des «vrais imposteurs, les Bush, les multinationales, les Dow Chemical», comme le dit Andy Bichlbaum. Un film réunissant leurs plus invraisemblables esbroufes est sorti aux Etats-Unis fin septembre et est attendu en France en mars.
Leur histoire commence en 1999, avec la mise en ligne d'un site web pastiche de l'OMC. Même habillage graphique, même logo et même discours à quelques outrances près. A leur grande surprise, ils reçoivent très vite des mails de personnes persuadées d'avoir affaire à la véritable OMC et sollicitant des interviews ou des participations à des colloques. Ils acceptent et l'imposture électronique devient physique. Du duo, c'est Andy Bichlbaum le plus étonnant des bidonneurs. Quand on rencontre ce Parisien sympa, habillé casual et un brin effacé, difficile d'imaginer qu'il porte le costume gris muraille à merveille, parfois complété d'une paire de lunettes sages, et s'avère capable de parler un sabir libre-échangiste délirant sans pouffer. Parmi tant d'autres victimes de son talent, la chaîne américaine CNBC qui l'a longuement interviewé.
Mais leur plus joli coup date de l'été 2001, quand ils se rendent en Finlande à Tampere, pour parler de «l'avenir de la filière textile» devant une assemblée de spécialistes croyant écouter un grand manitou de l'OMC. Rebaptisé Hank Hardy Unruh, Andy leur explique que Gandhi était un «protectionniste» qui «n'avait rien compris aux marchés ouverts». Et la guerre civile américaine, un «gâchis de temps et de ressources» car l'esclavage, absurdité économique, aurait de toute façon été remplacé par l'exploitation des pays du tiers-monde par les entreprises. En guise de final, il dévoile un «costume de management par le plaisir», une combinaison moulante dorée nantie d'un phallus colossal, avec caméra intégrée pour surveiller les salariés du tiers-monde. L'assemblée, à peine troublée, applaudit. «Au cours du dîner qui a suivi, l'organisateur m'a même félicité trois fois publiquement pour mon excellent discours», nous racontait Andy après l'événement.
A plusieurs reprises, l'OMC a dénoncé les manoeuvres des deux potaches. Tout comme Dow, il y a deux ans déjà : les Yes Men avaient envoyé par mail un communiqué bidon où la firme affirmait ressentir «un énorme chagrin à propos du désastre de Bhopal», mais affirmait qu'il lui était impossible de reconnaître sa responsabilité car cela fâcherait ses actionnaires. L'entreprise est parvenue dans un premier temps à fermer le site web d'où étaient expédiés les mails. Sans réel effet : plusieurs autres sites pastiches ont aussitôt été mis en ligne. Et la BBC est tombée dessus.