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«Boules de survie pour attaque terroriste»: le canular qui moque la psychose sécuritaire

Au Parlement européen, le 12 janvier 2016.

Au Parlement européen, le 12 janvier 2016.

Les Yes Men, des activistes américains bien connus, ont présenté très sérieusement devant des journalistes et députés européens une sorte de déguisement de sumo à enfiler en cas d'attaque.

Ces derniers mois, les attaques terroristes se multiplient et pour répondre à cette menace, les gouvernements multiplient les mesures pour rassurer les populations ou montrer qu'ils agissent, quitte à tomber parfois, selon leurs détracteurs, dans une surenchère sécuritaire.

Pour critiquer cette escalade, le groupe activiste des Yes Men organisait le 12 janvier, dans les locaux du Parlement européen à Bruxelles, une fausse conférence de presse en partenariat avec le parti d'extrême-gauche grec Syriza. «Ces réponses n'ont pas souvent été très intelligentes. En fait, elles ont pratiquement toutes été stupides depuis le 11-Septembre», dénonce d'emblée un certain Archibald Schumpeter, présenté comme un consultant spécialiste des questions de sécurité pour le faux think tank Global Security Response –le duo a même été jusqu'à créer un site bidon pour être plus crédible.


Il s'agissait, en fait, de Jacques Servin, alias Andy Bichlbaum, l'un des deux membres des Yes Men grimé d'une fausse moustache. Sa solution miracle? L'ENDURAsphere, une boule de survie qui ressemble à un mauvais déguisement de sumo, à enfiler en cas d'attaque terroriste.

Une combinaison que les Yes Men ont d'ailleurs ressortie des cartons puisqu'ils l'avaient inventée en 2006 et présentée devant les membres d'Halliburton, une société américaine spécialisée dans l'industrie pétrolière et gazière. Elle permettait à l'époque de résister aux risques liés au changement climatique. 


«Capable de résister à l'effondrement d'un bâtiment»

Pour convaincre les participants à cette conférence de presse, tous les arguments sordides sont permis... «L'ENDURAsphere est rembourré avec un Kevlar de cinquième génération et une peau en alliage plastique permettant à l'occupant de résister à tout impact, même à l'effondrement d'un bâtiment entier», explique tout à fait sérieusement Archibald Schumpeter devant un parterre de députés et de journalistes européens. «C'est un outil de démoralisation létale qui va à court terme déconcerter des organisations comme l'Etat islamique.»

Après sa brève présentation, Archibald Schumpeter demande s'il y a des questions. Et il y en a, effectivement...

«Est-ce qu'on peut nager avec ce costume si on doit s'échapper par la rivière ou par la mer?»

 

«Y-a-t-il une reconnaissance digitale ou biométrique si on va à la banque, par exemple?»

 

«Doit-on le porter tout le temps? Même à la maison parce que ce n'est pas pratique pour la reproduction humaine?»

 

«Est-il facile de courir avec ce costume?»

 

«Y a-t-il quelque chose pour protéger la tête?»

 

«N'avez-vous pas peur d'un "effet tortue"? Si la personne tombe, sera-t-elle capable de se relever?»

 

«Est-il possible d'intégrer des extensions comme des armes à feu ou des caméras intelligentes?»

 

«Comment pouvez-vous être sûr que les terroristes n'achèteront pas eux-mêmes ces prototypes?»

 

«Cette combinaison peut-elle résoudre la crise des réfugiés en Europe?»

 

«Est-ce que ça marche pour les enfants?»

Une intervenante fait également remarquer que la taille de la boule «ne permet pas d'entrer dans un ascenseur [...] ou dans une voiture».

«Une solution pour le harcèlement des femmes?»

Au Parlement européen, le 12 janvier 2016.

Au vu de la plupart des questions, difficile de croire que les spectateurs sont dupes... 

Le député allemand Martin Sonneborn, chef du parti satirique Die Partei, à l'origine de cette fausse conférence de presse avec le député grec Stelios Kouloglou (Syriza), posera lui aussi une question évidemment pleine de cynisme après les violences du Nouvel An dans les rues de Cologne: «En Allemagne et à Cologne, nous avons un problème avec des hommes qui touchent des femmes. Est-ce une solution pour ces problèmes?»

Après la conférence de presse, Stelios Kouloglou, qui avait organisé ce hoax dans le cadre des commémorations en hommage aux victimes de l'attaque de Charlie Hebdo, prend la parole mais cette fois-ci sans second degré: «Le bombardement est un outil qui sert le recrutement de l'Etat islamique. Si nous voulons affaiblir les terroristes, nous devons mettre fin à la guerre en Syrie, accueillir les réfugiés du Moyen-Orient et marginaliser les extrémistes en établissant de meilleures relations avec les forces modérées de l'islam. Nous avons également besoin de mieux intégrer les jeunes de nos communautés les plus défavorisées.»

Pas à leur premier coup d'essai

Les Yes Men, qui ont sorti plusieurs documentaires pour critiquer différentes personnalités, notamment George W. Bush, n'en sont pas à leur premier canular. Leur plus belle réussite reste sans doute la fois où ils s'étaient fait passer pour le porte-parole de Dow Chemical, géant américain de l'industrie chimique qui a racheté l'entreprise Union Carbide, propriétaire de l'usine de pesticides qui avait explosé à Bhopal, en Inde. 

Vingt ans jour pour jour après la catastrophe qui avait fait, pour rappel, plus de 20.000 victimes, ils avaient ainsi annoncé en direct sur la BBC que Dow Chemical allait indemniser toutes les personnes touchées par la catastrophe. Une information qui avait été reprise par de nombreux médias, avant que l'entreprise ne la démente. 


Les deux trublions avaient également piégé le député-maire de Levallois-Perret Patrick Balkany (LR) lors d'un faux duplex. Ce dernier avait ainsi affirmé qu'il n'y avait «pas de misère en France» avant de concéder qu'il y avait bien sûr «quelques sans domicile fixe qui, eux, ont choisi de vivre en marge de la société».


Désolé pour les plus anxieux d'entre vous, mais la boule de survie ne sera donc pas commercialisée. Même si on peut rappeler qu'un visionnaire chinois avait investi toutes ses économies pour inventer une sphère de survie qui devait résister à toutes les catastrophes naturelles. Une grosse boule qui fait un peu penser à la soucoupe volante du documentaire de «Strip-Tease» «La soucoupe et le perroquet» et qui devait lui permettre de résister à l'apocalypse du 21 décembre 2012. On ne sait jamais, d'ici une centaine d'années, ça pourrait toujours servir.

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