La Bouverie: les Yes Men préparent un nouveau coup d'éclat à la Fabrique de Théâtre

Dans leurs impostures, les Yes Man se font parfois passer pour des représentants de grandes organisations ou de multinationales
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Dans leurs impostures, les Yes Man se font parfois passer pour des représentants de grandes organisations ou de multinationales - © Flick- - ItzaFineDay

On pourrait présenter Andy Bichelbaum et Mike Bonanno, mieux connus sous le nom de Yes Men, comme des rois du canular, des imposteurs de haut vol. Mais le but de leurs impostures, même si elles sont souvent drôles, ce n'est, au départ, pas forcément de faire rire: ils les utilisent pour dénoncer les dérives de l'ultra-libéralisme, le réchauffement climatique, les dysfonctionnements de la société actuelle, et susciter le débat. "En anglais, on appelle ça "laughtivism", c’est-à-dire mettre sur pied des blagues pour donner aux médias l’occasion de parler de choses très importantes", explique Andy.

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Activistes du canular

Pour arriver à leurs fins, Andy et Mike se font passer pour des journalistes, des représentants de grandes multinationales ou du monde politique. Ils infiltrent des conférences, des événements et en piègent l'assistance. "Les actions pour lesquelles nous sommes les plus connus, c’est quand on se fait passer pour des porte-paroles d’entreprises qui font de très mauvaises choses, poursuit-il. Alors, soit on exagère cette chose, soit on déclare qu’on fait ce que cette entreprise devrait en réalité faire". Leur fait d’arme le plus célèbre, c’est une intervention en direct sur la BBC, dans laquelle l’un des Yes Men se fait passer pour un porte-parole de l’entreprise Dow Chemical et présente des excuses pour la catastrophe de Bopal, en Inde, survenue 20 ans plus tôt. Un canular qui a eu des effets inattendus sur le cours des actions de l’entreprise. Ils ont aussi distribué en 2008 des milliers d'exemplaire d'un faux New York Times, annonçant que la guerre en Irak était finie. Des interventions relayées par les médias du monde entier et immortalisées dans vidéos sur internet. 

Un Yes Lab à la Bouverie

Ces "imposteurs militants", comme on les appelle souvent, donnent régulièrement leurs conseils à des groupes d’activistes qui souhaitent mener des coups spectaculaires et médiatisés. Ils appellent ces ateliers des Yes Labs, des laboratoires ou ateliers de travail et de réflexion. C’est à ce genre d’atelier que les a conviés cette semaine la Fabrique de Théâtre de La Bouverie (Ecoutez le reportage ci-dessus). Sa directrice, la metteuse en scène et performeuse Valérie Cordy, a eu l’occasion de croiser le duo à plusieurs reprises dans des festivals internationaux, a sympathisé avec Mike et Andy et les a invités. "Ils sont connus mondialement grâce aux films qu’ils ont fait de leurs actions, aux témoignages vidéo qu’on retrouve sur internet. Je pense que leurs actions font du bien. Les gens se sont forcément précipités pour poser leur candidature pour ces ateliers", raconte-t-elle. Les participants viennent de toute l’Europe et sont comédiens, metteurs en scène, artistes… pas forcément activistes, comme le public habituel des Yes Labs. Le duo a donc dû adapter sa façon de travailler. "Quand on est avec des activistes, ils savent très bien sur quel sujet ils travaillent, ils sont très passionnés par ça, et donc les objectifs sont très clairs. Dans ce cas-ci, c'est un peu différent", constate Mike.

Ce sont avant tout d'excellents stratèges

La démarche inhabituelle des Yes Men intrigue Zelda et Maxime, membres d’un collectif parisien. "Ce n’est pas la même démarche que quand on entre dans une salle de théâtre ou de cinéma, ou même quand on voit un spectacle dans l’espace public, commente Zelda, metteuse en scène. Ils se fichent de tout ça et ils entrent dès lors de manière très précise et très pertinente dans la réalité pour la dévier". "Ils utilisent toutes sortes d’outils de communication comme des vidéos sur YouTube, des fausses conférences de presse, pour faire susciter un débat, c’est ça qui m’intéresse", ajoute Maxime. Antoine, comédien, admire leurs performances d’acteurs, "mais ce sont surtout d’excellents stratèges. Ils arrivent à prendre en compte le contexte, les moyens, le temps dont ils disposent, pour faire passer un message à un endroit où il ne devrait pas passer habituellement". Dans la discrétion la plus totale, le groupe prépare une action surprise, à la façon des Yes Men. On sait juste qu’elle se tiendra dans le centre de Bruxelles, dans le cadre du Festival SIGNAL, autour de l’art vivant dans la ville.